Je tenais à vous rassurer. Je ne suis ni aveugle, ni sourd.
La séance du Conseil Municipal de ce matin sera manifestement à nouveau très
brève. Tout du moins, en ce qui me concerne. Comme tous les Français, les
Sénonais souffrent face à la crise, et s’ils nous ont élus, évidemment, c’est
pour que nous apportions des réponses concrètes aux problèmes qu’ils
rencontrent dans leur vie quotidienne, que nous favorisions le développement de
notre ville qui en a tant besoin. La politique politicienne, le petit jeu des
partis, les intrigues d’arrière-cuisine, n’ont jamais été ma tasse de thé.
J’aime Sens. J’y suis né, j’y travaille, j’y habite, et je n’ai jamais eu
d’autre ambition que de servir les Sénonais. Ne tournons pas autour du pot et
cessons le petit jeu ridicule qui nous oppose depuis trop longtemps. En
quittant cette salle mardi dernier, avant même l’adoption de l’ordre du jour,
vous avez montré, une fois encore, votre détermination à faire barrage à chacun
des projets que je porte. Prenons un exemple parmi tant d’autres : la réfection
du marché couvert. Le projet qui vous a été présenté est un copier-coller de
celui que vous avez déjà adopté par deux fois, au niveau du FISAC et au niveau
de la délibération. Ce ne sont pas les idées que je défends qui vous insupportent
: c’est moi.
Le problème, c’est qu’en choisissant coûte que coûte de me
déstabiliser, de me ridiculiser, comme pour m’éliminer définitivement de la
scène politique locale, à moins d’un an des prochaines échéances électorales,
vous causez des dégâts collatéraux bien plus graves. Ce n’est pas moi qui
souffre le plus de ces petits calculs politiciens mesquins, tellement éloignés
des attentes de ceux qui nous ont accordé leur confiance et qui attendent tant
de notre action. Non, ceux qui souffrent, ce sont les Sénonais. Tout au long de
ma vie, je me suis employé à défendre mes idées. J’ai toujours été fidèle à mes
convictions, quelles qu’en soient les conséquences. Tout le monde, dans cette
assemblée, ne peut pas en dire autant. Je voudrais rendre hommage à celles et
ceux qui ont eu le courage de me rester fidèles, de faire face aux mensonges,
aux trahisons, à la démagogie pour défendre le projet pour lequel nous avons
été élus.
M. Moreau, j’ai lu vos déclarations à la suite du dernier
Conseil Municipal. Vous jubiliez en déclarant que je me retrouvais à la tête
d’une majorité qui n’existait pas. Vous aviez raison. Pas de jubiler, mais dans
votre analyse. On ne peut pas devenir maire d’une ville comme Sens et ne pas
accepter de prendre des coups. Prendre des coups ne me dérange pas. Non, ce qui
me dérange, ce qui m’écœure, c’est de voir notre ville prise en otage.
Rassurez-vous, je reste lucide et capable de balayer devant ma porte. Le moment
venu, je ferai le bilan de mon action devant les Sénonais, ainsi que mon
autocritique. Si je n’ai pas tout bien fait, l’intérêt général a toujours guidé
mon action. A ce titre, j’ai pris la décision de mettre un terme à la situation
de blocage à laquelle notre ville est confrontée. Depuis trop longtemps, cette
ville est bloquée. Je remets ma démission du poste de maire de la ville à
monsieur le Préfet de l’Yonne. La contestation est un art à la portée du
premier venu. Mais la gestion d’une ville est bien plus compliquée.
Votre dernière provocation collective est pathétique. Vous
vouliez me retirer une partie de mes indemnités de maire afin de me décourager.
Vous pensiez que j’étais un homme d’argent ? En prenant la décision,
aujourd’hui, de devenir conseiller municipal, je renonce à mes indemnités.
L’appât du gain n’a jamais motivé mon engagement, jamais. Mesdames et Messieurs
les représentants de l’UMP, du PS, de l’UDI, d’Europe-Ecologie-les Verts et du
groupe Convergence, comme vous avez su trouver un terrain d’entente pour mettre
fin à mon mandat avant son terme, je vous laisse face à vos responsabilités. Au
sein de votre nouvelle majorité, à vous de nommer votre leader. Je suis certain
que cela ne vous posera aucun problème de conscience. A vous de montrer que
Sens est désormais gérée par une dream team, quelle dream team !
En ce qui me concerne, je siégerai désormais dans cette
assemblée, en qualité de conseiller municipal. Soyez-en certains, mon attitude
sera radicalement différente de la vôtre. Je ne voterai pas contre les projets
que vous défendrez, s’ils me semblent aller dans l’intérêt des sénonais, car je
n’ai qu’un parti, et c’est le parti de Sens. Mes amis, car j’en ai encore, vont
également quitter la salle. Dans l’ordre du tableau, c’est donc M. Ben Ali qui
prend la présidence de l’assemblée et ménera vos débats. Félicitations Christophe,
voici enfin le grand jour dont tu as toujours rêvé ! Pour ce qui nous concerne,
l’ensemble des délibérations inscrites à l’ordre du jour nous conviennent.
C’est donc votre groupe, constitué par l’alliance de l’UMP, du PS, de l’UDI et
de Convergence, qui fera le vote. Nous ne pratiquons pas la politique de la
chaise vide, que nous avons bien sûr, toujours condamnée. Nous vous laissons
discuter sereinement, sans que vous ayez à vous livrer à des effets de
tribunes. Dans le cadre de ce Conseil, aucun quorum n’étant requis, tous les
votes, y compris celui du marché couvert, peuvent avoir lieu.
Avant de m’en aller, je vous demande de laisser une chance à
notre ville. Assurez-vous que les commerçants non-sédentaires pourront rester
en centre-ville, ce serait de bonne politique. Assurez-vous que le quartier des
Champs-Plaisants se transformera comme celui des Chaillots. Assurez-vous que la
friche industrielle du plomb devienne enfin un lieu de vie. Vous en avez la
possibilité. Assurez-vous que les services municipaux vont pouvoir s’équiper
pour travailler, ne serait-ce pas la moindre des choses ? Maintenant que vous
avez eu le temps de prendre connaissance des délibérations, que vous savez que
je ne serai plus votre maire, vous avez toutes les cartes en mains, Mesdames et
Messieurs de la nouvelle majorité.
Dans une conjoncture économique difficile, j’ai fait de mon
mieux pour redresser une ville divisée, c’était le moins que l’on puisse dire,
qui partait à vau l’eau. Je n’ai pas ménagé ma peine pour que Sens redevienne
une ville attractive, j’ai profondément aimé être au contact des Sénonais,
quitte à en décevoir quelques-uns. Je continuerai, sous une forme ou sous une
autre, à participer à la vie de notre cité. Je suis un homme libre, j’en paie
le prix fort, je l’admets, mais je me retire la conscience en paix et avec le
sentiment du devoir accompli. Aux Sénonais et aux Sénonaises, je souhaite le
meilleur pour l’avenir. Et comme l’a proclamé si fièrement Ruy Blas, bon
appétit Messieurs !
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